À qui appartiennent les biens de l’enfant? Quand les parents sont-ils autorisés à les utiliser? Dans cette interview, Jil Zaugg, avocate à la Banque cantonale de Saint-Gall, répond à des questions importantes concernant les biens de l’enfant.
Jil Zaugg, en Suisse, la gestion des biens de l’enfant est régie par le Code civil. Quels sont les principaux aspects que les parents doivent connaître?
De manière générale, les biens de l’enfant sont spécialement protégés par la loi et appartiennent à l’enfant. On distingue les biens de l’enfant libres et liés. Cette distinction est importante pour leur utilisation, mais aussi pour leur gestion. Les dispositions à ce sujet sont régies dans le code civil (CC) aux articles 318 et ss CC.
Quels sont les droits et les devoirs des parents en matière de gestion des biens de l’enfant?
En tant que détenteurs de l’autorité parentale, les parents ont le droit et le devoir d’administrer le patrimoine de l’enfant jusqu’à sa majorité et d’en protéger la substance.
Qu’est-ce que cela signifie dans la pratique?
Dans le cas des biens de l’enfant dits liés, seuls les revenus, par exemple les intérêts, peuvent être affectés à l’entretien, à l’éducation et à la formation de l’enfant (art. 319 CC), tandis que la substance, c’est-à-dire le patrimoine, ne peut être touchée que de manière très limitée (art. 320 CC).
En revanche, en ce qui concerne les biens libres de l’enfant, ni les revenus ni la substance ne peuvent être utilisés (art. 321 CC). Les jeunes peuvent, par exemple, gérer eux-mêmes leur salaire d’apprenti, qui fait partie des biens libres de l’enfant.
«Les jeunes peuvent gérer eux-mêmes leur salaire d’apprenti, qui fait partie des biens libres de l’enfant.»
Jil Zaugg, avocate à la Banque cantonale de Saint-Gall
Dans le cas des biens liés de l’enfant, on ne peut donc intervenir que de manière très limitée sur la substance. Dans la pratique, qui décide?
L’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte, l’APEA, peut autoriser un tel prélèvement. Dans la mesure oùcela s’avère nécessaire, l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte peut autoriser une utilisation sélective, c’est-à-dire au cas par cas, de la substance des biens liés de l’enfant. Dans ce cas concret, les parents doivent s’adresser à l’APEA afin de lui demander une autorisation. La banque leur versera ensuite l’argent en se basant sur la décision de l’APEA.
Pourriez-vous donner un exemple de cas dans lequel l’APEA donnerait une autorisation pour toucher aux biens liés de l’enfant?
Si les parents se trouvent dans une situation financière difficile et si, en même temps, il y a beaucoup d’argent sur le compte épargne jeunesse, l’APEA peut éventuellement considérer qu’il est judicieux de permettre à l’enfant de pratiquer, par exemple, un loisir onéreux avec l’argent, loisir qui ne serait pas possible sans ce prélèvement et qui contribue au bon développement de l’enfant. L’apprentissage ou l’achat d’un instrument de musique pourrait en être un exemple.
Supposons que mon enfant de cinq ans hérite d’une grosse somme de ses grands-parents. Qu’advient-il du montant?
Les biens hérités doivent être gérés avec soin par les parents jusqu’à la majorité de l’enfant. Cet argent doit être déposé sur un compte d’épargne jeunesse. C’est de l’argent dont l’enfant pourra ensuite disposer à sa majorité. En revanche, le salaire d’apprenti peut être géré et utilisé par le jeune lui-même avant sa majorité. En ce qui concerne les biens de l’enfant, il est donc important de savoir qui a généré l’argent et dans quel but il lui a été remis.
À quoi les parents doivent-ils veiller lorsqu’ils ouvrent un compte?
Le produit peut porter différents noms selon la banque. Il est toutefois important que le compte soit au nom de l’enfant.
Pourquoi est-ce important?
Le compte n’est identifiable comme un bien de l’enfant que s’il est établi au nom de l’enfant. Et dans ce cas, le régime légal correspondant s’applique, à savoir que les retraits ne sont pas possibles ou seulement de manière limitée. En général, les banques proposent différents produits à cet effet: il peut s’agir d’une sorte de compte d’épargne jeunesse à des fins d’épargne dont l’adolescente ou l’adolescent peut disposer à sa majorité ou bien d’un autre type de compte pour le salaire d’apprenti. Dans ce dernier cas, l’argent est placé sous la gestion de l’adolescente ou de l’adolescent, et elle ou il peut en disposer avant sa majorité.
S’il s’agit de biens de l’enfant, ils sont la propriété de l’enfant. Ces biens ne deviennent imposables qu’à sa majorité.
À ce propos: qu’advient-il des biens de l’enfant à sa majorité?
À sa majorité, la gestion de l’argent est confiée à la personne désormais adulte. Elle décide dès lors de manière indépendante de l’utilisation des actifs, si cela n’était pas déjà possible auparavant. Comme nous l’avons déjà mentionné, l’adolescente ou l’adolescent peut déjà disposer de son salaire d’apprenti avant sa majorité.
Jil Zaugg est avocate à la Banque cantonale de Saint-Gall.